J'ai vu le jour il y a déjà fort longtemps. Je suis la fille de Budli qui était un Einherjar au service du Père de Tout. Il était un bon combattant, comme tous les membres de cette garde d'élite. Je ne le connus pas, mais on me raconta ses faits d'armes, les batailles auxquelles il avait participées et où il avait vaincu. Mon père mourut lors qu'une bataille lors de la guerre entre les Ases et les Vanes. Ce jour-là, comme souvent lors de ce conflit, beaucoup de guerriers tombèrent au combat. Étant donné que ma mère étant morte en me donnant la vie, je me retrouvais sans parent. On me confia donc à mon oncle, le frère de mon père. Il se nommait Björn et était forgeron à Asgard. C'est donc dans cette ville que je grandis, aidant mon oncle si je le pouvais. Lorsque j'en avais l'occasion, je volais une arme à mon oncle et m'amusais à combattre des ennemis imaginaires, comme des géants de classe ou des monstres de toutes sortes. Cela ne plaisait pas particulièrement à mon oncle, mais il ne faisait rien pour m'en empêcher non plus! Je continuais donc ainsi et parfois, je poussais même l'audace jusqu'à prendre une petite épée et me promener dans les ruelles pour continuer mes jeux imaginaires. C'est à cause de cette habitude que je tombai sur dame Freya en personne, dans une rue de Midgard. J'avais à peine dix printemps à ce moment-là et je fus impressionnée comme nulle autre par sa présence. Elle était si elle et si majestueuse! Et à ce moment, elle aurait pu me faire des remontrances, car ce n'était pas une très bonne idée de se promener dans la ville avec l'arme au poing, mais au lieu de cela, elle décida de me prendre sous son aile, moi, une orpheline un peu trop aventureuse. C'était un immense honneur, nous étions plusieurs à rêver d'avoir un tel honneur, mais c'était moi qu'elle avait choisi. Ce ne serait pas une vie facile, mais c'était la vie que je voulais. On m'apprit donc l'art des armes, le combat sous toutes ses formes. L'épée était l'extension de mon bras, le bouclier mon ami. J'étais bien dans ce monde, j'y étais destinée. Je grandis parmi mes sœurs valkyries, car c'est bel et bien ce que j'étais devenue. Une valkyrie à part entière. Au service d'Odin, sous les ordres de Freya, je devais récupérer les âmes des mortels afin des les ramener au Valhalla ou bien à Asgard lorsqu'elles étaient destinées à devenir des Einherjar. Par ce fait, j'allais bien souvent sur la terre des hommes, Midgard. J'y rencontrai un homme bon, un roi qui avait le respect de son peuple. Il se nommait Agnarr et, je ne sais sous quelle impulsion, je décidai de lui prêter serment. Il avait demandé mon appui, et je le lui offris à partir de ce moment. Avoir su où me mènerait cette impulsion, j'aurais sans doute réfléchi à deux fois avant d'agir!



J'étais encore une valkyrie assez peu expérimentée lorsqu'une guerre éclata entre le roi Agnarr et le Hjálmgunnarr. Le Père de Tout avait promis la victoire au roi Hjálmgunnarr, mais je lui désobéis. Moi qui étais l'une de ses plus fidèles guerrières, j'ai tué le roi qui avait les faveurs d'Odin. Est-ce une faute que j'ai commise ou non? Je ne pouvais renier mon ancien serment envers Agnarr, je respectais et je respecte encore toujours mes serments. Mais ce que j'avais fait méritait une punition et je fus châtiée. Odin me bannit d'Asgard, m'enleva tous mes pouvoirs et m'envoya sur Midgard où il me plongea dans un très long sommeil. Je me trouvais alors dans une grotte entourée de flamme. Nul ne pouvait m'approcher. Combien de temps est-ce que je restai là, endormie? Je ne peux le dire avec exactitude même aujourd'hui, mais j'ai l'impression que cela dura près de trois mille ans. Les rumeurs disaient que seul un homme sans peur pourrait me sauver. Et cet homme arriva. Il franchit le mur de feu et lorsqu'il trancha ma bringue de son épée, j'émergeai de mon sommeil pour avoir la meilleure vision qui soit : Sigurd se dressant devant moi. Il était fort et puissant, sans peur et il était venu me libérer. Je l'aimais déjà. Et cet amour était réciproque. Nos chemins n'allaient pas dans la même direction, mais nous nous sommes quittés sur la promesse d'un mariage. Cela faisait du bien de marcher à l'air libre, bien que je possède à ce moment l'existence d'une mortelle. Je me suis finalement retrouvée au palais du roi Gjúki, là où mon aimé se trouvait aussi. Mais ce ne fut pas d'heureuses retrouvailles puisque j'appris qu'il était fiancé à la fille du roi, Gudrun. M'avait-il oublié? Notre amour n'était-il donc été que passager pour lui? Je ressentis une énorme blessure à cet instant, une blessure qui faisait plus mal encore que toutes les lames, les haches ou les flèches qui avaient fait couler mon sang jusqu'à présent. Je ne voulais pas rester au palais plus longtemps, mais la reine avait soufflé une idée à son fils Gunnar : pourquoi ne m'épouserait-il pas? Ce dernier semblait bien décidé à suivre les indications de sa mère. Afin de gagner du temps, je lui dis que je ne l'épouserais que s'il réussissait à passer à travers le mur de flamme qui m'avait jadis retenu. Je devais gagner du temps en effet, puisque je portais en mon ventre le fruit de l'amour qu'il y avait eu entre Sigurd et moi. Pendant que Gunnar tentait de gagner ma main, je me rendis chez une servante qui me cacha aux gens du palais. Elle se nommait Frida et était une femme libre avec qui je m'étais liée d'amitié. C'est chez elle que ma petite fille chérie, Aslaug, vit le jour. Gunnar étant de retour au palais, je ne pouvais garder ma fille avec moi. Je l'ai donc confié à Frida et je retournai au palais.



Gunnar était revenu, fier et victorieux après avoir franchi le mur de feu. Je devais donc l'épouser, même si c'était ce que je souhaitais éviter à tout prix. Je n'eus donc pas le choix, on célébra nos noces. Le pire jour de ma vie. Et la nuit, ce fut encore pire. Je détestais le contact avec cet époux qu'on m'avait pratiquement imposé. Ce fut la seule nuit où je le laissai me toucher. Plus jamais il ne posa la main sur moi. Mais il faut croire que le destin me jouait un tour, car mon ventre grossit de mois en mois, un petit être y grandissait de nouveau. Je donnai le jour à un petit garçon cette fois, mais je ne l'aimais pas vraiment, je voyais en lui mon époux détesté. Quant à Sigurd, il avait épousé Gudrun et je me disputais souvent avec elle. Nous nous disputions quant à savoir lequel de nos époux était le plus valeureux. Elle me montra alors l'anneau que lui avait offert Sigurd, l'anneau qu'il m'avait donné et laissé derrière le mur de flamme. Il m'avait trahi en tout point! Ce ne pouvait donc pas être Gunnar qui avait franchi de nouveau le mur de flamme, mais Sigurd. Comment cela se pouvait-il? C'était impossible! La haine s’empara de moi et je réclamai la mort du traître auprès de mon époux. Tout trahison mérite punition, je suis bien placée pour le savoir. Ce fut le frère de Gunnar qui se chargea de cette tâche, tuant Sigurd durant son sommeil. Mourant, Sigurd avoua son amour pour moi, ce qui réveilla la blessure qu'il avait ouverte auparavant. On mit le corps de mon aimé sur le bûcher et je ne pouvais qu'assister, impuissante, à ses funérailles. À ce moment-là, mon bannissement fut levé et je pouvais retourner à Asgard, le cœur lourd, de chagrin et de haine, bien que je ne le laisse pas paraître. Je repris mon rôle de valkyrie, en étant plus terrible que jamais. Je n'hésitais pas à tuer des guerriers de ma main afin de ramener leur âme à Asgard. J'éprouvais beaucoup moins de compassion envers les humains à présent.



Tout n'allait pas être clame à Asgard, ce ne pouvait l'être. La déesse Idunn fut enlevée et lorsque l'endroit de sa captivité fut connu, une armée fut envoyée afin de la récupérer. Je suivis Freya au combat, accompagnée de mes sœurs. Le combat faisait rage et le champ de bataille se couvrait de sang. Celui des nôtres et des leurs. Alors que nous combattions à Jotunheim, les géants de glace profitaient de notre attaque pour attaquer à leur tour et la reine fut grièvement blessée. Comme tous les autres, je fus très étonnée de constater que le responsable était Loki. Ce dernier subit un procès et il fut banni d'Asgard, privé de sa magie et de son immortalité. Tout geste répréhensible mérite une punition, Odin avait bien agi. Peu de temps après, lors d'un banquet, nous fûmes de nouveau la cible d'une attaque, de la part de la mère de Thor, accompagnée des elfes. Elle voulait attaquer Odin lui-même, prendre Gungnir. Nous combattîmes, une fois de plus. Je combattais pour le Père de Tout, évidemment, malgré les accusations qui commençaient à se faire entendre à son sujet. Cela n'était que des rumeurs infondées à mes oreilles et je n'y prêtai pas attention. Et là, ce fut le déchirement de mon être, une fois de plus. Le destin n'en avait-il pas assez de jouer ainsi avec moi? Freya, cheftaine des valkyries trahissait Odin et s'exilait dans le palais de Frey. Au début, je l'avais suivi, puisque je ne savais pas ce qu'elle s’apprêtait à faire. Mais quand elle exigea de nous de rester sagement au palais, je ne l'acceptai pas. Je la respectais, mais trahir son roi, mon roi, je ne l'acceptais pas. Je fis le même choix que je fis il y avait des siècles de cela, je devais respecter mon serment. C'était à Odin que je devais obéissance, c'était à lui que j'avais prêté mon serment. Est-ce que j'étais en train de faire la même erreur que j'avais fait jadis? Je le verrai dans l'avenir. J'ai tourné le dos à celle qui m'avait donné une chance de devenir quelqu'un, celle qui m'a tout appris. Je le regrette encore et le regretterai pendant longtemps, mais j'ai fait un choix, je vais donc m'y tenir. Par la suite, tellement de divinités ont tourné le dos au Père de Tout, mais moi, je suis restée fidèle, à ses côtés et prête à combattre pour lui lorsque cela serait nécessaire. À la fin de l'automne de cette année, un affrontement eu lieu sur la plaine de Nornheim. Le sang coulait, les guerriers mourraient, mais je continuais à combattre, il le fallait. Grâce à un enchantement puissant, les deux armées furent tenues à distance l'une de l'autre afin d'éviter le massacre. J'étais prête à reprendre le combat au nom du Père de Tout dès que l'enchantement arrêterait de faire effet. Mais l'intervention d'Heimdall mis fin à l'affrontement. Il était porteur de nouvelles et pas nécessairement des bonnes. Odin Borson, le Père de Tout, abdiquait et laissait le trône à son fils aîné, Thor. Cela calmerait les tentions, mais était-ce suffisant? J'étais abasourdie de ce revirement de situation, néanmoins, je croyais en Odin : il devait avoir fait le bon choix et donc, je me devais de suivre sa volonté et suivre notre nouveau souverain, Thor.