« Non ! Non pitié, je ne veux pas, je ne veux pas ! Par pitié ! Je n'ai rien fait de mal... Je vous en prie... Je vous en supplie ! … JE NE VEUX PAS ! » Terrorisée. Désemparée. Hystérique. Je hurlais à m'en rendre sourde, je me débattais – en vain – contre la poigne divine qui m'avait saisie et me traînait loin de chez moi. « Père ! Faites quelques chose ! Dites leur ! Dites leur que nous n'avons rien fait de mal ! Père !! » Il n'a rien dit. Il n'a pas bougé un seul cil pour venir en aide à ses enfants. Pire. Il a baissé les yeux. Il n'a eu ni le courage, ni la décence de regarder ses enfants dans les yeux alors qu'on les arrachait à leur village, à leur famille, aux gens qui les aimaient. Il n'a rien fait, alors que tout, absolument tout était de sa faute. Mundilfari était un homme arrogant, un imbécile vantard qui avait fini par froisser les dieux à clamer trop fort que la beauté de ses enfants surpassait la leur, et qu'ils brillaient plus fort que les astres qui éclairaient le ciel. Lorsque Odin et les grandes figures d'Asgard sont venues, il a d'abord cru que l'on était venu le récompenser... L'idiot. Les dieux étaient venus lui prendre ses enfants pour le punir. Quatre millénaires... Et j'ignore encore les raisons qui ont poussé les dieux à le châtier de cette façon. Pourquoi ? Je n'ai jamais cessé de me poser cette question. Pourquoi nous ? Pourquoi Máni et moi ? Nous n'étions pas comme Mundilfari. Nous aimions et respections les dieux. J'étais douce, avenante, ouverte et généreuse... « Glen ! Glen, ne les laisse pas m'emporter ! S'il te plaît... S'il te plaît ! » Glen non plus n'a rien fait, pétrifié face aux divins. Glen était mon époux, le plus grand guerrier du village, un homme fort au caractère bien trempé, j'étais éprise de lui depuis l'enfance, nous étions heureux ensemble. Je l'aimais... Et j'avais sincèrement cru qu'il m'aimait aussi, jusqu'à ce qu'il laisse Odin et les siens m'emmener. Si je lui en ai voulu ? J'en ai voulu à Yggdrasil entier. Bien sûr, que je lui en ai voulu. Il me fallut des siècles pour lui pardonner, pour leur pardonner. Après tout, que pouvaient de pauvres mortels contre les dieux d'Asgard ? Eux... Eux... Sköll m'aura dévorée avant que je n'aie pu leur pardonner. Ils ne méritent rien d'autre que ma haine et mon dédain.


Nul ne s'est opposé à l'injustice. Nul n'a osé remettre en question la sentence du Père de Tout. Nul, parmi les grands d'Asgard, n'a plaidé en faveur des pauvres mortels que Máni et moi étions. Je me souviens de ce jour où l'on m'a liée au soleil de force. Je me souviens de leurs visages, je me souviens des paroles qui furent prononcées. Mes suppliques avaient résonné longtemps dans le Palais d'Or avant que je ne réalise que personne ne les écoutait. Étouffée par l'effroi de ma situation, je ne pus qu'écouter, hagarde, Odin nous décrire le sort qui serait le notre jusqu'à la fin des temps, et le fardeau qui nous incombait à présent. Je me souviens de la reine Frigga, qui secouait discrètement la tête en signe de désapprobation, mais qui ne s'éleva pas contre la voix de son époux. Des conseillers d'Odin, qui murmuraient et nous désignaient du menton, parfois en secouant la tête, parfois en prenant un air outré et choqué. Craignaient-ils à ce point leur roi qu'ils n'osèrent pas nous aider ? Qu'étions nous pour eux sinon des enfants payant le prix des erreurs de leur père ?


Il fallut des années à ma peau pour s'habituer à la brûlure du soleil. Des siècles. Issu du cœur de Muspellheim, l'astre brûlait d'une intensité sans pareille, si bien que lorsque les Ases me lièrent à lui à l'aide de puissants sorts, je crus que je n'y survivrai pas, je priai pour ne pas y survivre. Las, peu à peu mon corps s'habitua aux flammes, à la chaleur, tandis que Máni apprivoisait l'eau et le froid, le feu devint mon élément. Tout d'abord résignée, je m'acquittai de ma nouvelle tâche sans la moindre ferveur, tirant inlassablement le soleil dans les cieux jour après jour, observant avec nostalgie et envie Midgard. Lorsque le soleil était au zénith, j'observai le village dont nous avions été enlevés, maudissant Mundilfari de tout mon cœur, lui qui eut toute la liberté de reprendre le cours de son existence, alors que les nôtres avaient été ruinés par son arrogance. Après que notre mère soit morte de chagrin, il se remaria à une bien jeune guerrière, avec laquelle il eut d'autres enfants... Máni et moi fûmes vite oubliés, relégués au rang de souvenirs, puis de mythes, et enfin de dieux... La trahison, l'égoïsme et l'insensibilité de Père furent difficiles à supporter, pour mon cadet comme pour moi, mais rien, rien, ne fut pire que de voir Glen suivre son exemple. Le deuil de notre union fut fait plus rapidement que la décence ne le permettait, lui aussi se remaria... Et c'est depuis le ciel, impuissante et le cœur brisé, que je l'observais nager dans le bonheur avec ma remplaçante, une femme que j’exécrais davantage pour ce qu'elle représentait que pour ce qu'elle était.

Le désespoir céda sa place à la colère, j'étais furieuse d'avoir été oubliée si vite. Comment pouvaient-ils ? Chaque jour, chaque nuit, mon frère et moi traînions les astres qui les éclairaient, et c'était à peine s'ils nous adressaient la moindre prière... Un village peuple d'ingrats... Animée par un esprit vengeur, je décidai de les punir. Des mois durant, je les privai des rayons du soleil, et je me réjouis de voir les cultures pourrir, le village dépérir. Ce n'est que lorsque les premiers morts furent à déplorer qu'ils se rappelèrent de mon existence... Mais je refusai de répondre aux suppliques qu'ils m'adressaient, refusai de faire preuve de bonté et de clémence avec ceux qui avaient laissé les dieux nous emporter et avaient continué à traiter Mundilfari avec respect. Ce n'est que lorsque ce dernier mourut, terrassé par le froid, que je consentis à leur rendre un peu de lumière et de chaleur. Máni désapprouva mes agissements, cependant il ne parvint pas à me faire entendre raison. Les dieux ? Nul ne se soucia du sort d'un pauvre village de mortels. Nul n'avait aucun sens de la justice.


Si mon fardeau et celui de Máni étaient étroitement liés, les natures de ceux-ci nous empêchaient de pouvoir nous soutenir. Nous ne pouvions nous croiser qu'à l'aube et au crépuscule, pour échanger quelques mots, une étreinte fugace... Lorsqu'un astre se couchait, l'autre se levait. Lui et moi attendions les éclipses avec la plus grande impatience, car elles représentaient pour nous un sursis, un moment que nous pourrions passer l'un avec l'autre. Ces instants étaient trop rares, si bien qu'inexorablement, siècle après siècle, nous nous sommes éloignés l'un de l'autre... J'ignore si le Soleil et la Lune sont à blâmer pour ce que nous sommes devenus, mais tandis qu'il se complaisait dans la résignation et faisait du calme et de l'optimisme ses principales qualités, je m'empêtrais dans l'arrogance et la rancœur. La jeune femme résignée et apeurée avait disparu, pour ne laisser qu'une nymphe de feu dont le brasier était alimenté par de violentes envies de vengeance. Si les pommes d'or et les enchantements firent de moi une déesse, je ne pus jamais me considérer comme une véritable Asyne, pas plus que je ne pus m'intégrer à la société Asgardienne et me mêler aux restes des dieux. Au contraire de Máni, je persistais à fuir Asgard, à fuir Odin et les siens, préférant me réfugier sur les terres, que je jugeais plus hospitalières, de Midgard. L'ironie voulait que mon monde à moi soit fait de ténèbres, puisque lorsque je n'éclairais et ne réchauffais pas Yggdrasil de ma lumière, personne ne le faisait. Mon seul réconfort venait de Máni, vers lequel mon regard se tournait bien souvent... Jusqu'à ce que je le baisse, frappée par la jalousie. La Lune n'était jamais seule, elle était accompagnée d'une myriade d'étoiles, des magnifiques aurores qui dansaient dans le ciel... Máni n'a jamais eu à souffrir de la solitude.


Sköll. Un créature aussi noire que le chaos originel, vomie par le Ginnungagap, le premier loup d'une paire de monstres sanguinaires, aux babines éternellement retroussées, aux crocs plus tranchants que le fil d'une épée, à la fourrure plus sombre que l'ébène. Sköll, la Répulsion incarnée, jumelle de la Haine et bourreaux auto-proclamés du Soleil et de la Lune. Pour Máni et moi, ce fut une injustice de plus à avaler. Une fois de plus, Odin ne daigna pas lever le petit doigts pour nous débarrasser des deux loups, pour nous protéger mon frère et moi. Rien ne justifiait qu'on laisse ces bêtes dans la nature, encore moins à notre poursuite. Chaque nuit, une fois le soleil déposé bien à l'abri du loup derrière les remparts d'Asgard, je devais fuir Sköll et ses mâchoires qui semblaient claquer toujours plus près. Une course en entraînait une autre, c'était un cercle infernal, sans fin, insupportable et intolérable. Chaque nuit apportait son lot de terreur, le hurlement de l'animal me glaçait le sang et me faisait frissonner d'angoisse. À de nombreuses reprises, je crus que Sköll représentait pour moi un moyen d'en finir, d'échapper enfin à mon éternité de labeur... Si bien qu'une nuit, épuisée, lasse, au bord de l'hystérie, je laissai Sköll s'approcher de trop près... Ses mâchoires se refermèrent sur mon bras, ses crocs déchirèrent ma peau et mes muscles, les os craquèrent sous la pression... Naturellement, la panique m'envahit en même temps que la douleur, je hurlai. Je hurlai parce que ce n'était pas ainsi que je voulais mourir, déchiquetée et dévorée par un loup, au beau milieu d'une sylve gelée, avec pour seul témoin de mon sort mon frère impuissant. Je ne voulais pas mourir sans avoir vécu, sans avoir obtenu réparation pour les torts qui m'avaient été faits... Je regrettais ma faiblesse momentanée, la défaite avait l'arrière goût ferreux de l'hémoglobine – celle-là même à laquelle Sköll goûtait.

L'on décrit la plupart des miracles comme issus de la main des divins... Le mien vint de celle d'un homme. Un simple mortel, vivant en autarcie dans les bois, alerté par mes hurlements. Un simple mortel, avec pour seules armes une torche et une vieille lance. Un simple mortel, un éphémère fragile, qui n'hésita pas à charger un loup aussi large qu'un ours et aussi puissant qu'une meute entière. Les flammes de la torche roussir la fourrure de Sköll, qui lâcha, surpris, avant de faire claquer ses mâchoires près du visage de l'importun venu le déranger. Il les referma sur la lance, qui se brisa immédiatement sous la pression, mais loin de se démonter, le viking saisit la pointe pour la planter dans le flanc du canidé, qui glapit de douleur en recula. Il en faudrait davantage pour se défaire de Sköll, cependant le fer de lance était resté fiché dans ses côtes, et cela l'handicapait suffisamment pour que pour cette nuit, il préfère en rester là.

« Par Odin... » Je ne pus m'empêcher de faire la grimace, et cela n'avait rien à voir avec l'élancement douloureux de mes chairs. « Vous allez bien ? Mais que faisiez vous seule dans ces bois... ? Ils sont infestés de... Votre bras, vous êtes blessée. » Les flammes de la torche éclairèrent enfin le visage de mon sauveur, mais loin de me rassurer, ses traits me choquèrent, tant que j'eus un mouvement de recul incontrôlé. « N'ayez pas peur... Je ne vais pas vous faire de mal. Venez, je vous en prie. Je crains de ne pas pouvoir vous être d'un quelconque secours si une meute de ces loups venait à surgir. Et il faut soigner votre bras. » Du courage et du bon sens... Des qualités largement distribuées parmi les mortels, rarissime chez les divins. Peu désireuse de voir Sköll revenir plus furieux que jamais, je laissai l'homme me conduire jusqu'à chez lui, me souciant à peine de mon bras blessé, dont les meurtrissures auraient disparu avant l'aube. Tous mes membres étaient secoués de tremblements incontrôlés, ma respiration erratique, j'étais au bord de la pâmoison, pour des raisons qui n'étaient pas toutes liées à ma mésaventure avec Sköll. Choquée et troublée, je ne retrouvai mes esprits qu'une fois à l'abri dans la demeure de mon sauveur, installée près d'un feu dont les flammes brûlaient d'une chaleur familière et rassurante. Sans un mot, sans être capable de détacher mon regard de l'inconnu, je lui tendis mon bras blessé, qu'il nettoya avec une douceur que je n'aurais pas soupçonnée chez un homme de sa carrure. « Vous êtes chanceuse. » Je battis des paupières et fronçai les sourcils ; je ne comprenais pas. « Je voulais simplement dire que vos plaies ne sont pas aussi profondes que ce à quoi je me serais attendu. Un animal de cette taille aurait pu vous arracher le bras. » Je déglutis avec peine, et répondit d'une voix rendue rauque par les chagrins que j'avais ravalé sur le chemin. « Il l'aurait fait si vous n'étiez pas intervenu. Il m'aurait dévorée toute entière... Merci... Je vous dois la vie. » Je venais d'hériter d'une dette impossible à repayer, je serais éternellement redevable à cet homme. « Vous allez bien ? » Je n'avais pas cessé de le fixer. « Je suis désolée... Vous ressemblez à quelqu'un que j'ai connu, il y a très longtemps... » Glen. Il ressemblait à Glen. Presque trait pour trait. Il avait le même regard sombre, les mêmes boucles ébène, et surtout, la même force tranquille émanait de lui. C'était troublant, au moins autant qu'il l'aurait été de faire face au spectre de mon époux. « Vous n'êtes pas d'ici, n'est-ce pas ? » « Non... Je viens... Je viens du village voisin. » « A cette heure ? » « Je me suis écarté du chemin bêtement, et je me suis égarée... » Mensonge... S'il douta de mes paroles, il n'en dit rien. « Puis-je vous demander votre nom ? » « Hm ? Oh... Só... Sonja. Je m'appelle Sonja. »


Au début, ce n'était qu'un jeu. Un jeu malsain né du désespoir d'une femme ayant tout perdu. Quelques nuits après ma rencontre presque fatale avec Sköll, je suis retournée frapper à la porte de mon sauveur – Aldarik. Au début, il fut surpris de me trouver chaque soir devant sa porte, une fois la lune levée. Poussée par la curiosité, et l'envie égoïste de passer du temps en compagnie du fantôme de Glen, je me suis imposée dans la vie du viking, sans avoir la moindre idée de ce que cela impliquerait. Je m'imposais à lui, sans pour autant être très loquace. Je lui posais mille et une questions quant à son existence sans jamais répondre à aux siennes, me murant dans le silence à la moindre interrogation, refusant systématiquement de révéler quoi que ce soit me concernant. Comment aurais-je pu ? Il ne m'aurait jamais crue si je lui avais dit la vérité. Sans doute est-ce la fascination liée à ma nature divine qui le poussa à continuer de m'accueillir, ignorant que nuit après nuit, il me protégeait de Sköll. Et nuit après nuit, je découvrais un homme brisé, rudoyé par les Nornes, mais avec une force de caractère que je trouvais remarquable. Hélas, j'étais incapable de démêler Aldarik de Glen, sa présence me rappelait bien trop celle de mon époux, que j'avais été incapable d'oublier même après quatre millénaires, et dont je n'avais pu pardonner la trahison. En se montrant généreux avec moi, Aldarik lavait la mémoire de Glen, comme si ce dernier était revenu à la vie dans le simple but de se racheter auprès de moi.

Je fus stupide de croire que cette relation conduirait à quoi que ce soit de sain. Ma simple présence mettait Aldarik en danger, et non contente de lui dissimuler la vérité à mon sujet, j'étais attirée par lui pour la simple et bonne raison qu'il était le sosie d'un homme que j'avais aimé quatre mille ans auparavant. Mais lorsqu'il m'embrassa pour la première fois, je ne parvins pas à résister, je ne parvins pas à le repousser – cela aurait pourtant été d'une facilité déconcertante. Cette nuit là, je ne fus pas capable de savoir si j'avais envie d'Aldarik, de Glen, ou simplement d'un peu de chaleur humaine. Si ma première erreur avait été de laisser Sköll s'approcher de trop près de ma chair, ma seconde fut de laisser Aldarik s'approcher de mon cœur. C'était un homme bon, qui avait déjà tant souffert, j'aurais dû le laisser en paix, disparaître avant qu'il n'ait eu le temps de s'attacher à moi, avant qu'il ne commette l'erreur de m'aimer... Je ne le fis pas. Je ne pouvais m'empêcher de revenir à lui, et lui ne put finalement s'empêcher de m'aimer. Aldarik était un papillon de nuit, j'étais la flamme d'une bougie. Attirante et mortelle, je ne pouvais que brûler ses ailes avant de le consumer tout entier. Je finirais par lui briser le cœur, puis je le tuerais, d'une façon ou d'une autre. Le malheur était la grande constante de mon existence, et ce qui découla de ma liaison clandestine avec Aldarik me le prouva une fois de plus, la fois de trop.


« Sól. Il faut que tu partes. Tu ne peux pas rester ici. L'éclipse n'est pas supposée durer aussi longtemps. Si tu ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose, il faut que tu retournes à Asgard, vite. Sól ! » J'entendais Máni, mais je ne l'écoutais pas. J'étais incapable de détacher mon regard de l'enfant que je tenais dans mes bras. Un bébé, une petite fille minuscule, presque trop silencieuse pour un nouveau né. « Sól ! » « Je... Je ne peux pas... » « Je t'en prie. Pour une fois dans ton éternité, écoute-moi. Fais preuve d'un peu de bon sens. Asgard sera l'endroit le plus sûr pour ta fille, ils sauront la garder en - » « NON ! Non, non, non... Je refuse qu'elle soit élevée parmi ces tyrans, ces menteurs, ces... Elle mérite mieux, elle mérite mieux qu'être l'otage d'Odin... » Ce n'était pas juste. Rien ne l'avait jamais été, mais ceci... C'était le grand final d'une tragédie qui avait illustré les plus grandes injustices d'Yggdrasil. Lorsque j'étais humaine, javais rêvé d'avoir des enfants, j'avais rêvé d'avoir une famille... Mais pas ainsi, par les Nornes, pas ainsi... Lorsque j'avais réalisé que j'étais enceinte, j'avais été horrifiée. Au point que j'avais cessé d'aller retrouver Aldarik, pour préférer me réfugier entre les murs d'Asgard, pour mon plus grand déplaisir. Cachée là où nul ne me trouverait, je gardai le secret de tous et toutes, hormis de Máni, qui l'aurait de toute façon vu tôt au tard. C'est lui qui eut l'idée de l'éclipse, pour me permettre de mettre au monde mon enfant sans que personne ne se doute de rien. Contrairement à moi, il était dans les bonnes grâces des dieux et les appréciait, si bien que lorsqu'il demanda à Odin de nous accorder quelques heures en famille à l'occasion d'une éclipse exceptionnelle, le souverain accéda à sa demande. Il était alors bien loin de ce douter de ce que nous ferions de ce temps... « Il faut... Il faut que je la conduise en sécurité... Il faut que je la conduise auprès de son père... » « Sól, tu tiens à peine debout. » « Ne te soucie pas de moi... Je sais ce que j'ai à faire... » « Tu ne vas même pas lui donner un prénom ? » « Non. Non, je ne peux pas... Si je le fais, je ne pourrai jamais la laisser... Pour son bien, il faut... Il faut que je l'abandonne... » « Et son père ? Le mortel, Aldarik ? » « Je ne le reverrai jamais. » « Tu vas laisser un nouveau-né sur le pas de sa porte, et disparaître ? Il te détestera. » « C'est mon intention... S'il me hait, je ne pourrai pas lui manquer. Et elle... elle vivra comme j'aurais dû le faire. »


Cinq ans. Cinq malheureuses années... Qui semblèrent durer davantage que les quatre millénaires traversées, qui achevèrent de me tourner contre Odin et les siens. Si bien que lorsque l'un de ses fils... ou plutôt son otage... se retourna également contre lui en enlevant la déesse de l'Immortalité, je me réjouis. Je me réjouis à l'idée de voir le Père de Tout choir de son trône, entraînant dans son sillage le reste des Ases... Quelques pommes disparaissaient, et ceux qui siégeaient sur la plus haute branche d'Yggdrasil faisaient de même... N'était-ce pas pitoyable ? Depuis mon char, je les observai s'agiter, paniquer... La seule vision qui me plaisait davantage que celle-ci était celle de ma fille, qui grandissait loin d'Asgard, dans le plus grand secret. Pour un homme qui avait trouvé un nourrisson sur le pas de sa porte en pleine nuit, Aldarik se débrouillait plus que bien. Il avait quitté la vie solitaire de la sylve pour se rapprocher du cœur du village, avec celle qu'il avait – ironiquement – prénommée Sunniva. Je veillais sur eux depuis le ciel, envieuse, mais certaine d'avoir pris la meilleure décision possible pour leur bien. Si par malheur l'attaque jötun les avait touchés, je me serais mêlée à cette querelle, mais puisqu'il n'en fut rien, je ne levai pas un doigt pour aider Asgard, et fut pour une fois bien heureuse de me contenter de mon astre.

La résolution de la première querelle familiale marqua le début d'une seconde, et je n'aurais pas haussé un sourcil si l'on n'avait pas rapidement murmuré qu'Odin se serait débarrassé de la mère de son premier enfant en l'exilant comme une malpropre, après qu'elle lui ait donné ce qu'il désirait. Une rumeur qui aurait pu être lancée uniquement pour nuire à un souverain en mauvaise posture, mais il aurait fallu être dérangé pour inventer pareille histoire... Et puis, Odin n'avait-il pas un goût certain pour la condamnation des innocents ? Lorsque la déesse Jörd vint à moi pour me conter son histoire, à la recherche d'alliés, je lui offris une oreille attentive, curieuse d'entendre son récit. Je fus dégoûtée par la perfidie d'Odin, mais en aucun cas surprise. J'hésitai toutefois à lui offrir mon aide, peu désireuse de m'engager dans une guerre du côté des possibles perdants. Mais devant la promesse de me voir libérée de mon fardeau si Odin venait à être remplacé par son fils sur le trône, je ne pus que joindre la déesse dans sa quête de vengeance et de justice. Car qui de mieux que moi pour la comprendre ? Quand bien même elle ne serai que l'instigatrice d'une supercherie monumentale... La haine peut faire perdre la raison, et je fus contrainte à abandonner la mienne sur Midgard le jour où Odin a laissé l'arrogance d'un simple mortel le toucher. Il est grand temps que son règne prenne fin.

J'ai juste tellement envie de t'épouser une seconde fois Mais je te préfère quand même sous ton autre compte, sous celui-ci, je vais adorer te détester et je suis certain que c'est réciproque Je file faire tes éloges sur skype pour mieux pouvoir te valider rapidement ici

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