« Pourquoi mère est si distante avec moi ? J’ai fait une bêtise ? » Le visage juvénile d’une petite fille d’environ dix ans si elle avait été midgardienne. Hrönn regardait de près sa grande sœur se coiffer, ses cheveux allant déjà jusqu’à sa taille, elle semblait aborder un petit sourire en coin. Rien ne pouvait être grave quand Angeya souriait, c’était même plutôt bon signe. Mais il fallait avouer que la troisième vague n’était pas une fille des plus faciles. À l’égard de ses sœurs aînées ou cadettes, il fallait la prendre dans le sens de l’eau et savoir quand on pouvait aborder un sujet important sans qu’elle ne le prenne avec légèreté. Ou au contraire, qu’elle ne le prenne avec une gravité sans égale, surtout quand il ne s’agissait que de peu de chose. Oui, savoir s’y prendre avec elle… C’était un peu compliqué, même pour la déesse des tempêtes apparemment… Il faut dire qu’Hrönn n’était pas la vague la plus facile du monde à percer. Bien que ses humeurs éclatent toujours au grand jour. Des éclats de joies ou de peines, elle n’avait aucune honte d’afficher ce qu’elle ressentait. C’était un peu sa manière de voir les choses. Pourquoi cacher ses émotions et rendre la tâche plus difficile qu’elle ne l’est pour ses interlocuteurs ? C’était purement inutile n’est-ce pas ? En tout cas, si Hrönn est un petit livre ouvert depuis sa plus tendre enfance, il va de soi qu’elle confiait tout ce qu’elle avait sur le cœur à la plus grande des vagues. Celle que tout le monde dans la famille considérait comme une seconde maman et pour dire… Elle avait en elle ce petit instinct maternel très naturel. C’était comme si elle était née pour cela et finalement… « Arrête de rire devant ta glace Angeya ! Ce n’est pas drôle. » Les joues gonflées et les sourcils froncés, il n’y avait aucun doute, en quelques secondes la troisième vague était passée du questionnement à la colère… C’était tout elle, une vraie girouette, mais la marée risquait d’être plus un peu plus violente ce soir pour les Midgardiens. Pourtant, malgré ses sauts d'humeur, ses colères, ses joies ses peines, Midgard ne serait jamais autant compris de la famille des vagues que par Hrönn, la jeune déesse vouait une admiration à tout ce qui pouvait toucher à ce petit coin de terre sans magie apparente, sans pouvoir, sans longue vie. Elle ne souhaitait pas se montrer, mais elle voulait les aider comme elle pouvait et au gré des évènements présents dans sa propre vie. Bien qu’Asgard, et le palais d’or et de pierres précieuses de son père, soient déjà des endroits où il y avait fort à faire. Même si quelques années après tout ceci, la grande vague dût partir vivre son amour au-delà de la maison de cette famille nombreuse. Entre les naissances et les deuils, Hrönn n’eut que très peu l’occasion de revoir Angeya et elle le regretterait c’était certain. Mais avait-elle d’autres choix que d’être au service d’elle-même et des attentes de sa mère qu’elle ne comprenait que trop peu. Et d’être toujours là pour ne point attiser les craintes d’un père poule…

Pourtant, c’était la douleur dans la peau, une douleur sans nom, quelques choses qu’elle ne pouvait définir qui cassa son cœur en une infinité de petites miettes multicolores. Multicolores au rythme de ses émotions, de ses pensées noires, de sa colère, de son envie de tout abandonner. Hrönn était une jeune fille désormais, une jolie jeune femme qu’on ne pouvait dénigrer. Aussi sage que son père, elle avait choisi d’apprendre à se défendre, elle savait qu’elle n’avait jamais été très bonne en combat, qu’elle n’était pas faite pour manier une arme. Trop maladroite, trop fragile, trop délicate. Elle était tout juste bonne à divertir les invités de ses dieux de parents avec sa harpe ou encore en leur faisant sagement la conversation. Mais pourquoi cela était-il arrivé. Comment était-ce possible ? Elle ne pouvait pas les abandonner alors qu’elle était dans la fleur de l’âge. Si les autres vagues et ses parents accusaient la nouvelle en pleurant en tapant tout ce qui pouvait passer. Hrönn quant à elle était accroupie comme une piteuse dans un coin de ses appartements. Là, devant sa commode de marbre blanc, elle regardait les larmes couler de ses yeux, rougissant son visage d’une tristesse sans pareil, alors que ses cheveux bruns s’emmêlaient entre eux. Restant parfois collé sur ses joues. Elle pleurait depuis longtemps déjà, ne daignant pas ouvrir sa porte, elle ne souhaitait pas parler, restant dans son mutisme, elle ne pouvait pas, elle ne voulait tout simplement pas croire à cette nouvelle. Angeya ne pouvait pas être partie pour toujours, elle n’avait pas le droit. Personne ne pouvait mourir, comment cela avait-il pu se produire ? Elle ne le savait, elle ne voulait absolument pas le savoir, qu’est-ce que cela changerait ? Angeya reviendrait ? Surement pas. Alors, elle restait là, devant son miroir, regardant le piteux état qu’elle renvoyait à elle-même. Celui qu’elle pourrait peut-être renvoyer aux autres si jamais quelqu’un osait affronter son humeur de chien battu mêlé à la tristesse de la perte et à la haine de savoir qu’il y avait quelqu’un derrière tout cela, on ne mourrait pas si jeune sans raison, pas pour Hrönn. Et puis sa grande sœur ne pouvait pas être partie de la sorte, elle s’y refusait pourtant… C’était la triste vérité. Cette même vérité qui força la famille des vagues à lancer des globes d’argent, alors que des archers enflammaient les effets personnels de leur sœur. Une cérémonie sans corps, une cérémonie encore plus douloureuse que les Hommes ne purent se rendre prêt des eaux durant quelques semaines. Tant la fratrie des vagues était dévastée. Les marées ne suivaient plus un cycle régulier, Hrönn se fichait bien de savoir qui mourrait à cause de ses élans de tristesse ou de nostalgie, s’ils mouraient c’est qu’ils le devaient, parfois, il n’y avait aucune raison quand la mort arrivait et elle l’avait compris, à son plus grand regret… Elle se regarda une nouvelle fois devant son miroir, celui où elle avait tant pleuré son aînée. Quelques années après la tragédie, elle se demandait encore et toujours. « Pourquoi es-tu partie si tôt, ma sœur ? » Et quelques larmes pleines d’amertumes suivaient toujours ses paroles, elle avait si mal au cœur, le temps n’effaçait pas toujours les plaies, surtout les plus douloureuses.

Enfermée, emprisonnée, voilà la triste condition qui habitait le palais de la famille des océans… Complètement perdue par ce qui s’était passé il y a peu… Idunn avait été faite prisonnière on ne savait pas trop où. Mais le fait était là désormais : l’Immortalité des Dieux et Déesses étaient désormais compromises. Cette disparition n’était pas des plus réjouissantes et la crainte des parents pour leurs enfants était présente. Si bien qu’Hrönn et ses sœurs ne pouvaient plus sortir de ce palais d’or et de pierres précieuses… Cette histoire prenait des proportions qu’elle ne pouvait comprendre, seul un Dieu pouvait avoir recourt à de tel stratagème et en quoi mettre en cause son immortalité personnelle était intelligent ? Elle ne se rendait pas compte, mais il était certain que c’était une personne pleine de mauvaises attentions qui était à l’origine de cette panique divine. Et pourtant, elle restait là, devant les fenêtres de ce palais, à regarder l’eau et ses habitants aller et venir dans les reflets dorés du soleil qui perçait de temps à autre la profondeur et la noirceur des océans. Pendant ces périodes de troubles, Hrönn put se concentrer sur sa famille, pour la rassurer et la soutenir dans les diverses décisions. Elle voulait être la fille aimante, la fille qui servait à quelques choses. Elle tentait de ne pas se mettre en danger. Elle évité d’ajouter au fardeau de ses parents : de l’inquiétude. Hrönn est trop insouciante pour qu’on ne la surveille pas, alors elle se contentait de ne pas bouger, jusqu’au dénouement de cette affaire. Bien qu’en son temps, l’auteur de ce crime fût découvert. Et l’identité du coupable ne choqua personne… Loki… Fils adoptif d’Odin était alors emprisonné dans les geôles d’Asgard pour le reste de sa vie. La haine de plusieurs dos hantait l’ombre du Dieu de la fourberie… Mais d’autres guerres se préparaient dans l’ombre, Jörd, Vanaheim, Alfheim et d’autres de leurs sympathisants se mettaient en guerre contre Asgard. Pour une querelle qui semblait ne concerner que la famille royale de la cité dorée. Pourtant, c’est à ce même moment que la vérité éclata, concernant alors la famille des océans, l’océan, la tempête et les vagues. Angeya revenait à la surface, elle et le secret de sa mort. Le scandale fut tel qu’Hrönn ne savait plus vraiment comment penser. Odin était donc derrière la mort de la grande vague. Elle était morte pour libérer la déesse de la Terre et personne n’avait jugé juste de mettre au courant, au moins, la famille de la défunte. Non, au contraire, on avait préféré faire disparaître Angeya, on l’avait laissé là où elle était morte surement ? Toujours sans corps, les vagues et les parents de ces dernières étaient sur le pied de guerre et pourtant, il y avait bien d’autres choses à penser que des querelles internes, fait fi des secrets de famille pour se liguer face aux autres royaumes et retrouver la paix… Et rien ne semblait décidé à l’avance, elle prierait fortement pour que tout se passe bien et que sa famille n’essuie pas d’autres pertes douloureuses.

La paix était-elle alors revenue depuis toutes ces intrigues ? Probablement, il n’y avait pas vraiment de goutte pour faire déborder le vase, sauf si ce n’est que la troisième vague était encore toute chamboulée par les révélations de la mère de son neveu par alliance. Sa sœur aimée et adorée serait donc morte en voulant la sauver ? Si c’était le cas, Hrönn voulait savoir, elle devait rencontrer Jörd, elle voulait comprendre pourquoi sa tendre aînée avait décidé de mettre sa vie en jeu pour cette femme en particulier. Ce qu’Angeya pouvait bien lui trouver, quelle utilité cela aurait-il eue si elle avait été libre mille cinq cents ans plus tôt ? La déesse ne le savait pas, mais ce dont elle était certaine, c’était de son ressenti pour le Père de toute chose. Bien qu’il ait laissé sa place sur le trône à son fils et à la fille de la première vague, il n’était pas hors de cause. Il était même complètement responsable de la mort de l’aînée. Et la brune ne pouvait pas pardonner. Elle tentait pourtant de voir le meilleur des gens, mais dans une telle situation, le couteau avait été trop remué dans une plaie béante. Elle avait mal de savoir qu’Odin était lié à l’affaire de cette triste mort. Celui en qui le peuple avait placé toute sa confiance était l’auteur d’un crime aussi ignoble. Mais avait-il quelques remords ou regrets ? Hrönn ne le savait pas et malgré sa colère, elle ne saurait se permettre de penser à la place d’une personne aussi importante malgré les faits accablants, parfois lourd a porté, qui résident sur son dos. Pourtant, elle restait là, assise sur un banc de pierre, la paix semblait être revenue, elle était plus sereine, elle craignait moins de sortir du palais de son père, elle craignait moins d’être entourée par la foule. C’était ainsi, mais la paix est si fragile. Elle est si pure qu’on a parfois du mal à en comprendre la véritable utilité. Pourtant, assise là devant la statue grise de sa sœur, elle pensait comme devant un sanctuaire. Ses pierres resteraient vaines, Angeya était morte depuis bien des années. Mais elle ne s’était jamais débattue, Hrönn laissait toujours aller ses émotions, peu importe ce que les autres pouvaient penser de cela. Elle était faite ainsi et son aînée ne l’avait jamais blâmé pour de telles choses. Non, au moins Hrönn ne savait pas mentir, elle était le plus naturelle possible, la plus vraie possible dans ce monde où les mensonges et les trahisons semblaient être monnaies courantes. Plus le temps passait, plus la déesse pensait qu’il serait rare de trouver quelqu’un qui lui ressemble. Un sourire éclaira son visage de porcelaine, ses lèvres rosées s’étirant de part en part de son visage, elle leva les yeux aux ciels, remerciant encore tous ceux qui avaient sacrifié leur vie pour que cette paix s’installe… Elle quitta cette espèce de sanctuaire pour retourner là où sa famille l’attendait…

Mais elle ne se serait jamais doutée que le Loup serait libéré peu de temps après cela, déclenchant en elle, une nouvelle crainte.

Excuse moi pour le retard

Très jolie fiche, très bien écrite et complète Hrönn est tellement touchante J'aime beaucoup le fait qu'elle personnifie les marées, je trouve ça très poétique et parfaitement en accord avec le personnage

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