Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance, où toujours gai, sans soucis, sans chagrin, je coulai ma douce existence, sans songer au lendemain. Lorsqu'il se leva, l'on distingua nettement ce bruit de craquement au niveau de son dos. L'homme eut une grimace avant que son visage ne s'étire dans un sourire en croisant les mirettes de son aimé: « Mes os craquent, il va neiger ! » Une petite furie aux cheveux maculés débarquent, passant entre les jambes de son père. « De la neige, de la neige papa ! » L'hivers approchait et ses conséquences. L'absence des bêtes, le froid mordant dont il fallait se protéger pour éviter d'attraper la mort. Le père de la famille envisageait déjà tristement les prochains repas, puisqu'ils ne pourraient pas se contenter que de légumes, faute de viandes. Heureusement, ils avaient de bonnes réserves et s'ils venaient à manquer de quelque chose, il lui suffirait d'aller jusqu'à Tromsø. En attendant, avant que la nuit n'envahisse Midgard, il décida de partir chercher un gibier. Thialfi, le jeune fils demanda à l'accompagner car il était rapide. Il ne refusa pas et les deux hommes partirent, laissant la mère et Roskva. Ils revinrent peu avant le voile sombre et l'apparition de Màni, bredouille. La mère se contenta alors de préparer une soupe pour régaler les ventres affamés. Personne ne se plaignaient, ils en avaient simplement l'habitude. Thialfi, debout à côté de son père qui remettait des bûches dans l'âtre, s'exclama plein d'enthousiasme: « Quand je serai un homme papa, je ramènerai de la viande tous les jours. Je serai aussi fort que Thor, aussi malin que Loki et aussi brave que Tyr. Maman prépara des festins chaque jour que Andhrímnir jalousera. » Un sourire de fierté éclaira le visage sombre du paternel qui glissa une paume dans la tignasse clair de son aîné. Le vent s'élevait à l'extérieur, comme si une tempête se préparait. Roskva était à la fenêtre lorsque sa petite voix fluette attira l'attention de tous: « Il y a quelqu'un qui vient ! » Thialfi s'approcha rapidement pour poser son museau contre la vitre fraîche, afin de distinguer les formes déformées et sombres qui filtraient malgré la nuit. « On dirait des géants ! » Le père sortait déjà un bâton de bois pour défendre sa famille, s'il s'agissait d'êtres mal intentionnés. Deux coups puissants furent donné sur la porte, faisant sursauter l'épouse. Les deux enfants aux cheveux lunaires restèrent à la fenêtre tandis que le paternel vint ouvrir, le cœur méfiant. Thialfi, curieux de nature et ne pouvant rester derrière, s'approcha de son père pour jeter un œil. Le plus grand des deux portaient une crinière solaire, une armure scintillante dont la cape carmin virevoltait derrière lui. Il imposait en respect et puissance. Tandis que l'autre était plus mince, les yeux luisants et une cape émeraude. Ils respiraient la richesse. Ce n'est que lorsque Thialfi remarqua le marteau que le grand blond tenait dans sa main, que sa bouche s'ouvrit tout de go. Il tira sur la chemise de son père en murmurant : « C'est le marteau de Thor ? » Etait-ce un mirage ? Qu'avait cette famille de plus qu'une autre pour être honorer par la visite des dieux ? En particulier Thor, celui qu'ils priaient, qu'ils admiraient et dont ils portaient avec fierté le patronyme.

Il y régnait une ambiance tendue, surtout émanant de la famille complètement fascinée par la présence du Tonnerre à leur table. Ils avaient le droit au même miracle que leurs ancêtres. Thialfi était surexcité, manger à la même table que Thor, que Loki. Voilà de quoi revigorer son estime, son égo bien qu'il n'était pas de nature à s'en vanter. Mais ce qui le satisfaisait davantage, c'était l'odeur de la viande. Pour les remercier du toit que la famille offrait aux deux divinités, Thor sacrifiait ses deux boucs en y omettant une condition. Thialfi sentait son estomac se tordre tellement la faim le tiraillait. Ce soir-là, ils purent manger plus que de mesure, contenter des jours de faim. La gourmandise fut si grande pour le jeune garçon qu'il brisa un os pour y prendre le nectar. Ce fut tellement bon que ses yeux brillèrent, il avait encore faim mais il était tard. « Thialfi, Roskva... Dites bonne nuit et allez vous coucher ! » S'ils voulurent s'y opposer, le regard du père fut bien plus fort. Thialfi, qui avait pourtant encore faim dut à regret abandonner son assiette pour aller dans sa couche. Le Tonnerre les escorta jusqu'à la chambre qu'il partageait tous les deux. Il borda les deux enfants et le jeune garçon aux cheveux lunaires se sentit soudainement chanceux. Plus encore. Il remercia Thor de son présent, il était certain maintenant de vouloir devenir un homme aussi honorable que l'était son Dieu. Bien évidemment, il ne l'égalerait jamais mais il comptait se battre toute son existence pour être à la hauteur du jour où il accorda un regard à la famille de paysans qu'ils étaient. Ce qui réveilla le jeune blond à l'aube, ce fut les cris rauques qu'il distingua dans l'autre pièce. Il se leva pour observer le Tonnerre gronder devant ses parents. Ils semblaient perdre en hauteur, vouloir se terrer dans un trou pour éviter la colère qui ne cessait d'accroître. Lorsque Thialfi comprit qu'elle était la raison, son cœur explosa dans sa poitrine. Il était le responsable. Le gourmand. Le traître. Il sentait la paume de Roskva prendre la sienne, elle avait peur. La sentence tomba. Pour punir les paysans, Thor exigea que les deux enfants le suivent et deviennent ses serviteurs. La première chose à laquelle songea Thialfi, c'était le lieu de servitude. Comptait-il les emmener à Asgard, la Terre des Dieux ? Aurait-il la chance, dans ce malheur de côtoyer d'autres divinités ? La peine lourde de son cœur fut quelque peu atténuer par cette idée. Il portait la culpabilité sur ses épaules, surtout pour sa jeune sœur dont les larmes déchirantes l'affectait. Mais... il montait à Asgard. Lui. Le jeune paysan à devenir, changeait de destinée.

Et voilà, voilà qu’ils m’appellent et me demandent de prendre place à leurs côtés dans le palais de Valhalla là ou les braves vivent à jamais. Il n'était pas si aisée d'être paysan que de servir Thor. Au départ, le jeune homme fut de nombreuses erreurs. Mais il apprenait de chacune, la déception qu'il pouvait lire le paralysait et il souhaitait ne plus la revoir. Alors, il faisait mieux. Encore jusqu'à y lire du plaisir, du ravissement et même de la fierté. Il voulait être à la hauteur de son présent, prouver qu'il avait sa place à Asgard, la cité des joyaux. Les premiers mois furent difficiles, il pleurait souvent ses parents qui manquaient à son cœur. Surtout pour Roskva qui était plus jeune, plus fragile. Mais il jouait son rôle d'ainé avec brio. du moins, il espérait être une épaule suffisamment conséquente à la jeune fille pour qu'elle finisse par s'habituer à leur nouvelle demeure. Thialfi avait l'impression que sa sœur ne s'épanouirait jamais ici. Comme si elle réclamait encore, sa place à Midgard. Il fallait être fou aux yeux du jeune mortel pour vouloir redescendre et quitter les richesses des Dieux. Il avait tant appris depuis qu'il était ici, pris en maturité et en estime également. Il n'avoua jamais être le fautif, du moins les premiers temps. Mais un jour, alors qu'il était avec Roskva dans les magnifiques jardin de la Reine, il ouvrit son cœur : « C'est de ma faute si nous sommes ici petite sœur. » Elle tourna son joli minois sur lui, ses sourcils froncés sur ses magnifiques pupilles aux pépites d'ors. « J'étais trop gourmand, on avait pas mangé aussi bien depuis tellement de jours. C'est moi qui a cassé l'os pour manger le cœur tendre. C'était si bon... » Et il regrettait, chaque jour lorsqu'il voyait l'animal boiter. Mais son erreur lui avait permis de côtoyer l'éternel. L'un dans l'autre, c'était une erreur bénéfique à ses yeux. Mais pas à ceux de sa jeune sœur. Il était responsable de son chagrin, de son exil. Depuis ce jour, l'alchimie et la complicité entre les paysans furent plus délicates. Thialfi aimait sa soeur, plus que n'importe quel autre chose et même dans la complexité de leur lien, il continuera à la veiller, à la protéger. Et pourtant, Odin sait que la demoiselle ne devint pas facile à vivre. Elle enchaîna les erreurs, les désobéissances. Thialfi excellait dans ses services que Thor lui demandait, tandis que la jeune fille faisait exprès de mal faire, de se faire gronder. Du moins, le jeune garçon le voyait ainsi. Plusieurs fois, il lui répéta d'obéir et que sa vie en serait plus simple. Mais elle reprochait à nouveau son geste, son destin qu'elle détestait. Le blond ne comprenait pas pourquoi elle ne voyait pas les merveilles comme lui, pourquoi elle se cantonnait à regretter la misère, la faim et Midgard. Ici, ils avaient tout. Des vêtements somptueux, des appartements plus vastes et riches que ce qu'ils avaient jamais eu. Un traitement paternel par Thor, il pourrait presque ressentir l'affection du Tonnerre. Que voulait-elle de plus ? Un fossé se creusa entre eux, si bien que Thialfi préféra occulter les actes de sa soeur. Un jour, elle comprendra se disait-il.

Plus les jours avançaient, plus Thialfi prenait en assurance et force. Il était vif, rapide et toujours prêt à obéir. Thor n'avait plus le titre de maître à ses yeux. Il l'appréciait énormément, le voyant comme un père mais aussi comme un mentor. Comme un ami, un confident et parfois même, un allié. Il n'avait pas la prétention de se placer à la même hauteur que l'Invaincu, mais il était toujours à ses côtés. Il n'y avait aucune tâche ingrate pour le mortel, pas même nettoyer l'écurie de Tanngrisnir et Tannjnrostr ou de décrotter leurs sabots. Peut-être était-ce son caractère et comportement envers lui, qui fit que Thor lui confia plus. Il l'éleva légèrement, si bien qu'il devenait plus qu'un serviteur. Il fut à la charge de ses boucs, un honneur. Thialfi se faisait remarquer, mais sans le vouloir. Il le fit en défiant un géant d'argile, seul. Il agissait toujours avec son âme, avec ses tripes et son esprit. Il était l'ombre du Tonnerre, prêt à glisser quelques conseils ou paroles bienveillantes, à calmer comme il pouvait -bien souvent caduc- les colères ou les peines. Et à côté de cela, Roskva aussi se faisait remarquer mais plus difficilement. Elle avait voulu tuer l'Invaincu, puis avait même tenter de s'enfuir. Heureusement, il y avait eu Sif. La moitié du Prince que Thialfi estimait tout autant. Avec plus de retrait, avec discrétion même s'il donnerait autant sa vie pour elle que pour Thor. Elle avait été douce lorsqu'il était encore enfant, elle avait été à l'image d'une mère. Essuyant les larmes, soignant les blessures et calmant les querelles. Thialfi était moins proche de la Prophétesse par respect pour son maître, par pudeur aussi. Mais il était là, quand ils eurent une dispute titanesque. Une séparation douloureuse. Son coeur était partagé entre le Tonnerre et les Visions, mais il gardait la conviction que la division ne serait que de courte durée. Il fut là aussi pour l'annonce d'une grossesse. Enfin. Thialfi était le genre d'hommes sur qui on pouvait compter, à qui l'on pouvait se confier sans craindre des ragots de couloirs. Sans craindre la trahison. Et il n'était pas ainsi juste pour plaire. Son plus gros cadeau, outre sa venue sur Asgard, fut les paroles de Thor. Devenir un dieu. Avoir l'honneur d'être... un véritable dieu au même titre que ceux qu'il coudoie. Voilà, une récompense inestimable.

Nous étions accablés de chagrin devant la mort de tant des nôtres, nous étions peu à avoir survécu et je me suis dit alors il y en a un que je pourrais suivre, il y en a un que je pourrais appeler roi ! Asgard vivait de sombres jours. Il y avait l'apparition de Jörd, la mère biologique du Tonnerre et avec elle, de sales rumeurs sur Odin. Puis, il y avait eu une confrontation qui eut des conséquences. Thor demanda à son mortel de taire certaines choses, notamment le lieu où ils allaient se cacher avec Sif. Il sut à cet instant, que ce qui avait été dit n'était pas insignifiant. Ils partirent pendant un long moment, trop long au goût du mortel qui était pourtant les yeux et les oreilles du Tonnerre en son absence. Il garda précautionneusement des informations en son sein, afin de pouvoir les utiliser à bon escient, au bon moment. Qu'elles puissent servir à l'Invaincu. Il ne s'attendait pas à un retour immédiat, mais lorsqu'ils revinrent, c'était pour la naissance du nourrisson. Thialfi au fond, en était tout chamboulé. Il avait porté autant que Thor la peine de ne pas réussir à avoir un héritier, puis il avait aussi côtoyé son immense joie et ses nombreuses inquiétudes sur la santé de Sif. Une fille. Thrùd. A cet instant, Thialfi sentit une autre partie de son cœur s'ouvrir pour la jeune princesse, prêt à veiller sur elle. Mais la joie n'est pas éternelle, du moins en ces instants sombres. Des complications, toujours. Une bataille se préparait. Thialfi aurait aimé y participer, comme lorsqu'il avait défendu Asgard des Jötuns. Thor avait préféré le laisser à Asgard plutôt qu'il vienne avec lui récupérer Idunn. Blessé d'une précédente mission, il avait quand même réussi à défendre la cité dorée comme il avait pu. Mais là, il avait une autre tâche. Sif, qui ne pouvait pas rester sans rien faire, lui confia Thrùd auprès de la Reine. Sa mission était de veiller sur les deux femmes. Et s'il se sentait impuissant, inutile et qu'il avait envie plus que tout de participer à une bataille qui allait certainement marquer l'Histoire, il resta sur place. Obéissant. Roskva était là, heureusement. Il n'aurait pas accepté qu'elle y soit. Non. Car malgré tout, sa sœur reste son joyau. Son tout.

Quelle ne fut pas son inquiétude et sa peur lorsque Thialfi appris pour Thor. Pour la première fois depuis qu'il est à Asgard, le mortel craignait pour la vie du Tonnerre. Il l'avait toujours vu comme l'Invaincu, celui qu'on ne peut atteindre et qui s'élèvera à chaque barrière. Mais là, force était de constater que l'Invaincu était coincé au lit, une énorme blessure au ventre que Eir avait tenté d'amoindrir au maximum, entre la vie et la mort. Sif était au bord du gouffre, veillant son époux jour et nuit en délaissant la jeune princesse. Thialfi venait s'en occuper avec la Reine, tentant de rassurer la jeune fille. Il se fit même conteur avec moins de talent que Saga, pour détendre l'esprit de la jeune Thrùd. Ou était-ce lui-même qu'il rassurait ? Contant les merveilles et victoires du Tonnerre, il rassurait son esprit sur le fait qu'il ne pouvait pas perdre celle-ci. Pas lorsqu'il allait devenir ce pourquoi il était destiné. Roi. Et il se réveilla. Comme le mortel en était heureux, bien qu'il ne s'épancha pas, encore une fois par pudeur. Il était prêt à reprendre sa place auprès de son maître. Etre là à chaque demande, conseiller ou simplement commenter. Il espérait surtout qu'en devenant Roi, Thor ne l'affecte pas à quelqu'un d'autre. Car il n'y en avait qu'un que le jeune mortel pourrait servir aussi docilement et avec autant de fierté. Dans l'attente du couronnement et de son avenir, le jeune mortel continuait à contenter autant qu'il ne pouvait, si ce n'est plus.