2500 ans.

Quel humain pourrait s’imaginer ce que représente vivre autant de siècles ? C’est que le temps glisse, sans prise sur moi depuis une éternité encore jeune. Je ne connais pas les souffrances qu’il engendre, je ne connais pas cette peur de voir une fin arriver, pour moi et pour ceux qui me sont chers. Ou du moins… Je ne l’ai pas connu pendant la plus grande partie de ma vie. Je suis née de Freyja, et d’Ivaldi. Si mon père n’a guère marqué de son empreinte ma mémoire, j’ai vécu par et à travers sa fière épouse mon enfance, mon adolescence puis mes jours de jeune femme épanouie. Du moins… Est-ce ainsi que je m’emploie à qualifier ces phases abstraites de mon passé. Je n’ai pas d’histoires tristes à vous raconter. Je ne me rappelle que de l’amour, incroyable, dont Elle m’a enveloppé. Je lui dois tout. Ma beauté, que je ne cherche plus à nier derrière de vaines et fausses modestes paroles. Ma vaillance, et mes belles qualités que je m’emploie à entretenir pour la rendre fière depuis que j’ai saisi l’importance et le réconfort de briller à ses yeux. Je n’ai cure de nos défauts. J’ai toujours été profondément admirative de ses exploits, ne me lassant pas de l’écouter me parler de ses faits héroïques à la tête des Valkyries. J’étais loin de croire que je me trouverais au cœur d’une pareille histoire 2000 ans plus tard.
Subjuguée par sa voix chaude. J’ai toujours songé que ma mère avait un talent inné de conteuse. Elle savait faire frémir mon épiderme d’une simple caresse de mots, d’une seule intonation soigneusement choisie. Elle me faisait rêver de notre propre paradis à Asgard. Elle me faisait trembler en me parlant des anciens combats que les Dieux avaient eu à mener. Sensible et réceptive à ces frémissements qui, pour moi, relevaient du mythe, je m’endormais la tête pleine de ces personnages fabuleux. J’ignorais alors qu’elle me transmettait de la plus belle des manières notre héritage. Je me faisais en effet un devoir de connaître au mieux les noms, les personnalités, les traits significatifs de nos semblables. Curieuse et vive, j’ai appris avec un plaisir inouï comment devenir une Déesse exemplaire. Je voulais voir sourire ma mère lorsque j’apparaissais à ses côtés. Je voulais la voir rire de mon bonheur lors de nos splendides fêtes et cérémonies.

Les seules ombres à cette harmonie parfaite étaient mes sœurs. J’ai honte de parler d’elles en ces termes, et pourtant je ne me cacherai guère derrière une hypocrisie latente. Nos relations sont loin d’être idylliques, et il en a toujours été ainsi. En tant qu’aînée, je n’ai pas apprécié la « venue » de ces concurrentes, que j’estimais dangereuses vis-à-vis de ma complicité avec notre génitrice. C’est avec les années que j’ai tenté de prendre sur moi pour vaincre ce caprice d’enfant qui n’était pas digne de nous toutes. Dans un élan de maturité qui me surprend encore, j’ai finalement tenté de faire un pas vers Sigyn, ma première sœur. Je m’en veux encore, quand je pense qu’il fut une époque où je me comparais sans cesse à elle, rassurée. Je me savais plus belle qu’elle. Je ressemblais à Freyja par ma blondeur, par mon maintien. Sigyn était d’une autre trempe, et si son charme était certain, jamais je ne me rendis malade du vice de la jalousie, de l’envie. Ma vision d’elle était floutée, ternie par des élans de rancœur inavouée, par une méfiance qui s’était peu à peu changée en défiance, d’un côté comme de l’autre. Néanmoins, je fis un pas vers elle. Puis un deuxième. À de maintes reprises, rongée de remords de voir notre union fraternelle aussi morcelée, j’amorçai un retour dans sa direction. Toujours sans succès. Nous étions trop différentes, de tempérament comme d’esprit. Je n’estime ni l’une ni l’autre en tort. La fatalité commence à l’emporter. Tant de tentatives pour nous réconcilier, l’équivalent de dizaines de vie humaines. Sans succès. Il m’est difficile de me positionner avec ma sœur. Je tente de favoriser la dignité, de ne permettre aucun éclat en public, et de limiter nos rencontres au maximum. Aucune discussion, aucun sujet ne serait épargné d’une possible dispute, en effet. Fort heureusement, mon rapport à Nanna, ma cadette, n’est guère aussi tendue. Plus soulagée encore de ne pas la craindre comme favorite dans le cœur de notre mère, notre relation n’est pas aussi aboutie ni aussi solide qu’on l’attendrait de deux sœurs de lait, mais je peux au moins la considérer comme amicale. En tant qu’aînée, il m’arrivait donc de lui dispenser de nombreux conseils, de toutes natures. Je ne jouais pas un rôle. J’ai appris à apprécier les instants d’intimité passés en sa compagnie. Je les aime rares, mais intenses. J’aime tresser ses longs cheveux bruns, l’aider à choisir ses mises et ses bijoux lorsqu’elle le veut bien. Je crois que j’ai tendance à l’infantiliser au-delà du raisonnable, la faute à notre grande différence d’âge. Elle m’attendrit et me touche. Il est d’autant plus triste de réaliser que Nanna fait partie de ce qui m’oppose à Sigyn. Cette dernière n’a jamais supporté de me voir me rapprocher de près ou de loin de notre cadette. Or, je n’accepte pas de subir ses foudres et sa colère, lorsqu’elle touche d’aussi près une tierce personne, qui ne devrait rien avoir à faire avec nos propres griefs. C’est, à ce jour encore, l’une des choses qui me fâche le plus dans ma relation avec la deuxième fille de Freyja.

Le tournant de ma destinée vint avec l’éclosion et la révélation de mes pouvoirs. Je traversais alors une grande phase d’interrogation, me demandant sur quel chemin conduire mes pas. Embrasser la voie des Valkyries, comme Freyja, n’était pas impossible. Malgré ma fragilité apparente, je me savais suffisamment brave et courageuse pour endosser alors le même manteau que la Déesse de l’Amour. Toutefois, il devait en être autrement. Très vite, des signes apparurent, d’abord discrets. Cela commença par des rêves, que je relatais régulièrement à ma mère. Je rêvais des pommes d’or. Il s’agissait des fameuses, celles qui conféraient notre immortalité, notre force et tant d’autres vertus qui nous distinguaient ainsi du monde des hommes. Tout d’abord, elle fit comme s’il ne s’agissait que de banales visions. Puis, au fur et à mesure que je lui relatais encore et toujours les mêmes images, obsédantes, elle me conseilla de chercher en moi la signification de ces songes. Je lui obéis, sans en parler à quelqu’un d’autre. Je croyais au départ que leurs origines se trouvaient dans ma naturelle préoccupation concernant les récoltes fluctuantes, sans certitude aucune. Mes rêves, pourtant, ouvrirent une porte nouvelle de ma conscience. Mon instinct me convainquit de me laisser guider vers lui : je décidais donc de prendre le mystère à sa source, et de rendre visite à l’arbre sacré. Avant cela, il me fallait aborder la question avec le Père de Tout, car je n'aurais jamais rien tenté sans obtenir son accord au préalable. Je pris moi-même l’initiative de demander alors l’autorisation à Odin de prendre soin de l’arbre. Je lui parlai de mes chants, de mes visions, de mes attentions pour lui, et bien entendu, des résultats que j'étais sûre d'obtenir. Je craignais son refus. Jeune déesse, je ne souhaitais guère paraître prétentieuse à ses yeux. J’étais simplement consciente de mes hautes facultés à entretenir le fruit de notre puissance, et une telle responsabilité ne m’effrayait pas. Au contraire, je me savais soutenue par la personne qui comptait le plus pour moi, et je ne doutais pas d’acquérir ainsi un respect inaltérable de la part des autres divinités. À ma grande joie, et au bout d'une longue réflexion de sa part, il accepta.

Ainsi débuta ma transe.
Jour après jour, je rejoignais l’arbre plusieurs fois millénaire, avançant vers le tronc, irrésistiblement attirée par son aura et par les fruits lourds qui pendaient au-dessus de nos têtes. Et chaque fois, j’en repartais apaisée, heureuse. Une douce euphorie m’habitait. Mes rêves ne cessaient pas. Au contraire, ils devinrent plus intenses, et aux images se joignait une mélopée étrange, que je finis par connaître par cœur. Je commençai à la chanter à l’arbre. Une fois. Plusieurs fois. Ce n’est pourtant que lorsque je revins en compagnie de ma mère, quelques temps plus tard, que je constatai que le pommier se portait bien mieux que je ne l’avais jamais vu. Elle en fit la remarque, et compris avant moi le don que je possédais. Lentement, mais sûrement, je m’étais liée à lui. La récolte suite à mes chants s’avérait prometteuse. J'étais émue, fière et heureuse d’avoir contribué à sa pleine santé. Dès lors, nous ne manquâmes plus de pommes d’or. Très vite, je cessai de craindre que l’effet bénéfique de mes chants ne soit que temporaire.

J’étais la déesse de l’Immortalité.

Ma nouvelle renommée ne mit pas longtemps à éclore. Je fus encensée par tous ceux qui, comme moi, voyaient d’un œil inquiet l’état de notre arbre bien-aimé. Ma simple présence promettait une abondance accueillie avec un enthousiasme évident. Je nageais dans un nuage de félicité, mon orgueil grossissant comme jamais. Radieuse et désormais épanouie, j’avais enfin trouvé ma place dans les rangs des dieux. Rapidement, je compris que ma mère et Odin souhaitèrent profiter de cette période bénie pour conclure une alliance entre nos deux familles. Je n’avais rien à objecter. J’aurais préféré bien entendu m’unir à un autre Dieu par amour, mais après tout… l’un empêchait-il vraiment l’autre ? Non. De nombreuses conversations avec Freyja m’aidèrent par ailleurs à me ranger derrière leur décision. Elle me disait que l’amour, le vrai, celui qui perdurait et qui permettait aux Dieux de vivre en bonne intelligence comme compagnons pour toute la durée de leur éternité, se construisait plus qu’il ne naissait d’un simple regard. Il faudrait bien entendu que les deux époux s’engagent à faire de tels efforts. Que j’apprenne à connaître celui qui partagerait ma vie. Par ailleurs, devenir Princesse d’Asgard n’était pas un rang anodin. La promesse d’un futur plus radieux encore me porta. Il me fallait choisir entre les fils d’Odin, un honneur qui manqua parfois d’intimider celle que j’étais. Mon choix se porta sur Bragi. Nous partagions des points communs qui, à mon sens, pouvaient tout à fait conduire à une relation satisfaisante pour lui comme pour moi. D’un naturel réfléchi, à mon image, nos quelques conversations s’étaient avérées agréables, et je m’étais pris à rêver d’une union idyllique. Je le trouvais beau, mature pour son âge. Des quelques écrits qu’il m’avait donné l’occasion de lire, j’avais été émerveillée, fascinée par ce talent que je ne possédais pas. Et, comme ma mère, il possédait ce don de savoir raconter les histoires. J’étais charmée, attendant l’arrivée du sentiment promis par mes fantasmes naïfs d’alors. Le mariage fut célébré, et je ne tardai pas à voir que Bragi ne partageait pas la joie que j’éprouvais sincèrement à m’unir à un Dieu certes discret, mais dont je serais fière d’être l’épouse.

Le voile de la désillusion me couvrit bien vite. Plus le temps passait, plus je m’apercevais de son manque de volonté pour créer le feu d’une passion entre nous deux. Je l’avais choisi. La réciproque n’était pas vraie. Lorsque je m’en aperçus, je crus percevoir un froissement dans mon âme, une douleur sourde, celle de l’ego blessée. N’étais-je pas suffisamment belle à ses yeux ? Pas assez intelligente ? Pas assez brillante ? Visiblement non. Si je ne me montrais pas avare d’efforts pour prétendre au meilleur quand nous étions en public, je n’imposai pas ma compagnie à Bragi en privé. Il m’était suffisamment pénible de le savoir endosser ce mariage comme une corvée. Le lire dans ses prunelles au quotidien m’aurait rendu malade de chagrin sur le long terme. Je m’en ouvris à ma mère, confiant ma déception comme une enfant. Elle soutint ma position, arguant que j’avais raison de ne pas chercher l’esclandre. Il fallait préserver les apparences, la bonne entente et la fausse harmonie d’un couple mal assorti. Je me préservais du mal-être en me consacrant à ma tâche première, assurant les bonnes récoltes, sans faillir. Je me répétais également que j’aurais pu tomber sur un Dieu sanguinaire, violent de nature, menteur ou je ne sais quoi. À la place, je me heurtais à un mur de glace, secret et infranchissable, mais dénué d’agressivité. Je craignais de le mettre en colère, ce qui expliquait très bien ma propension à disparaître avant que l’orage ne gronde. Il m’était toutefois cruel de réaliser que je me cachais presque de vivre à ses côtés. Je ne parlais que lorsqu’il l’était nécessaire, ou bien quand il était opportun d’apporter une touche de conversation fleurie.

Entretenir le mensonge.

Rien n’aurait pu me préparer à l’événement le plus traumatisant de ma vie.
Mon quotidien s’affadissait, dépourvu de l’amour d’un mari plus absorbé par sa poésie que par les atermoiements de sa femme. Ma mère, les disputes et incompréhensions avec Sigyn, les quelques moments de paix en compagnie de Nanna, les quelques entretiens chaleureux ainsi que les preuves d’affection manifestes que me témoignaient Odin… Tout était bien réglé. Si bien réglé que j’en abaissai ma garde. Après tout, je ne prêtais pas particulièrement attention à Loki. Je me contentais de me tenir loin de lui, méfiante à son égard.
Si j’avais su…

Je me suis réveillée dans une chambre qui n’était pas la mienne.
Une chambre… C’est même beaucoup dire pour qualifier la pièce de la forteresse d’Utgard dans laquelle j’avais échoué sans savoir pourquoi ni comment. Il m’a fallu mobiliser tout mon sang-froid, toute ma décence pour comprendre que j’avais été enlevée. D’une manière ou d’une autre, l’un de mes comparses m’avait trahi. Cette idée fut presque aussi douloureuse à accepter que la souffrance de me retrouver subitement arrachée des miens, sans la moindre explication. Mes sens ne tardèrent pas à m’apprendre que je me trouvais vraisemblablement dans Jötunheim. Un désespoir tel que je n’en avais jamais connu auparavant me frappa de plein fouet. L’asphyxie de l’ignorance et de la solitude était une véritable torture. Isolée de tous, appelant en vain ma mère, mon compagnon, je ne pouvais rien faire d’autre qu’attendre. Voir le temps passer sans l’appréhender réellement. Encore aujourd’hui, je frissonne lorsqu’il m’arrive de penser à nouveau à cette période de captivité. Aux mains des Jötuns, tâchant de conserver l’esprit aussi clair que possible malgré les circonstances, mes soupçons se fixèrent aussitôt sur Loki, ce traître que ma sœur avec épousé. Un sentiment de colère, de honte même, me permirent de tenir, tel que l’aurait fait ma mère. Les Dieux viendraient. Il me fallait me montrer patiente, et bientôt je serais secourue… Bientôt l’on retrouverait ma trace. Entretemps, je conservai mes forces et traversai ces heures noires en silence, m’isolant de toute nouvelle source de souffrance.

Bragi fut l’un des premiers à venir me secourir. Je lui en sus gré, et pour la première fois depuis des années, je crus que mon cœur ressentait à nouveau quelque chose de flamboyant pour lui. Au beau milieu de la guerre sanglante qui opposait les créatures hostiles aux Asgardiens et habitants de Vanaheim, cette tragédie pouvait faire beaucoup pour nous. Elle pouvait nous sauver, nous faire prendre conscience que notre statut de divinité de nous protégeait pas de la fatalité. Elle pouvait être le déclencheur d’une réaction spontanée l’un envers l’autre. Je voulus le croire, sincèrement. L’adrénaline de ce sauvetage mouvementé me rendait forte et folle d’espoir tout en même temps. Revoir les visages aimés, revoir ma mère… je croyais à peine en ma « chance », sans avoir néanmoins voulu douter de leur capacité à me retrouver. Je n’ai pas quitté les côtés de Bragi, jusqu’à notre retour à Asgard. Pourtant, la confusion de cet épisode ne me fit pas oublier un autre visage, jusque-là inconnu. Lothar Snorreson. Il faisait en effet partie des Einherjars qui accompagnaient l’escouade chargée de me récupérer, et je me rappelle de son zèle à défendre notre position jusqu’à ce que nous nous retrouvâmes en sécurité. Je me souviens encore avoir éprouvé un pincement quelque part, lorsque la flèche d’une pensée étrange m’atteignit. Il s’était montré plus enthousiaste, plus heureux de me voir saine et sauve et surtout plus déterminé à me ramener à bon port que mon propre époux. La pilule fut amère.

La norme a repris ses droits, par la suite.
Mes espoirs se sont dissous dans la lente marche du temps. Mon époux ne manifestant toujours par le désir de me briser la glace qui nous séparait, je me suis reconstruite à travers ma mission bienveillante. En effet, ma reconnaissance envers les dieux qui m'avaient sauvé de l'enfer dans lequel Loki m'avait conduite me poussait à me montrer plus fervente encore, dans les soins donnés au pommier d'Asgard. Loki... Chaque fois que je songeais à lui, le bout de mes doigts en tremblait de colère. Mes yeux d'un bleu océan se teintaient d'éclairs, comme la mer devient grise quand la tempête se lève pour les hommes. Je savais qu'en mon for intérieur, je ne lui pardonnerais pas cette traîtrise. Ce n'était pas seulement moi qui avais été touchée, mais un nombre désolant de mes semblables, qui avaient, eux, trouvé la mort. Je ne cherchai pas à comprendre ce qui avait pu le motiver à de pareils agissements, les condamnant sans vergogne. Par ailleurs, mes rapports avec Sigyn ne s'en améliorèrent pas, au contraire. La savoir épouse d'une telle créature me rendait presque honteuse de l'avoir pour soeur. Heureusement pour moi et pour le bien de notre famille, je tus ces méchantes pensées, les ressassant en moi jusqu'à les sentir pourrir et m'en faire mal. Je m'en ouvrais parfois à ma mère, mais très peu. Lentement, je m'emmurais entre des brumes de solitude, tenant à guérir seule et courageusement de cet épisode traumatisant. J'y parvins assez bien.

Et puis, la guerre.
La guerre qui reprit de façon inattendue, sous le visage d'une beauté glaciale de Jörd. Loin de m'attendre à un pareil retour et à un tel déferlement de conséquences, j'ai assisté à ces événements d'un oeil passif. Longtemps je n'avais plus perduré que dans l'attente du procès de Loki, en vérité. Et la sentence finale n'avait selon moi pas rendu grâce à la hauteur de ses crimes. Heureusement que ma mère me permit de conserver mon sens des réalités, afin de ne pas sous-estimer la gravité de ce qu'engendrait pareille trahison de la part d'Alfheim. Ma position par rapport à la déesse s'avère complexe, et insatisfaisante à mes yeux. Je ne me sens pas suffisamment investie de la vérité pour pouvoir faire confiance en mon jugement. Je me sens attirée, intriguée par Jörd, tout en désapprouvant la tonitruance de ses éclats muets. Mon allégeance va vers le Père de Tout. Par respect et par affection pour lui, je ne me suis pas ouverte à lui, en arguant que je ne croyais pas en la bienveillance de Loki. Si ce dernier souhaitait visiblement se racheter, et qu'il y avait trouvé ici le moment propice, cela n'effaçait pas les griefs que je lui porterai pour l'éternité.
Je m'inquiétais néanmoins pour Odin. La découverte de l'alliance entre mon oncle, Elyas et Jörd troubla mon aura de calme dont je me targuais habituellement. Le climat de paranoïa également. Pour la première fois, je craignis Thor, dans sa volonté de s'assurer que plus aucun traître ne régnait parmi nous. Une tâche ingrate, mais sa persévérance fut telle que je ne doutai pas longtemps de sa capacité à y parvenir.

J'avais raison de douter de l'avenir. Ce fut au tour de ma mère de trahir, à mon grand déchirement. Je me refusais à la blâmer en public, et pourtant je n'arrivais pas à comprendre ce qui avait pu la pousser à pareille infamie. Même par amour pour son frère. C'était elle qui m'avait enseigné que nous avions des devoirs inaltérables en tant que divinités et multiples bras droit du Père. Plus les jours s'écoulaient, et plus je me demandais si nous retrouverions un jour la paix qui avait illuminé la plus grande partie de ma vie. Je ne disposais toujours d'aucun soutien marital. Je me sentais plus seule que jamais, terrifiée à l'idée qu'Odin me désavoue publiquement. Il connaissait le lien très fort qui m'unissait à Freyja, pourtant je m'enquis en personne auprès de lui pour réitérer ma fidélité à son égard. Je tentai de passer plus de temps en compagnie de Nanna, étant donné notre isolement au sein du palais. La guerre ne semble jamais plus terrible que lorsqu'elle est interne. Elle sépara les familles, brisa des amitiés ancestrales, se montra la plus impure de toutes. Je ne cachais ni ma peine, ni mon ébranlement psychique. Pour ma part, j'attendais la sentence. J'attendais d'apprendre la mort de ceux que j'aimais, la destitution d'Odin... N'importe quoi qui nous permette de sortir de cette période intolérable de doute permanent. Le mot "paix" me semblait dérisoire, dépourvu de sens. Dépourvu même de réalité.
On prend si vite l'habitude de voir le conflit dominer toute chose du quotidien.

Et nous voici désormais à la fin de cet épisode noir de notre Histoire. Je n'eus pas à craindre la perte de ma mère. Non. Les habiles retournements de situation qui nous permirent d'éviter le massacre me rassurèrent au moins pour un temps. Ce serait à Thor de gouverner, désormais. J'appréciais mon beau-frère, le sachant capable de conserver l'héritage de son père et de nous mener avec sagesse. Depuis que j'ai appris pour la blessure qui le meurtrit, il m'arrive de prendre de ses nouvelles aussi régulièrement que possible, des siennes comme celles de Sif, que j'estime et que j'admire pour son maintien et son allure de reine. Les choses changeront peut-être sous de meilleures augures, désormais. Toutefois, inutile de le nier : ces événements m'ont changé en profondeur, ont ébranlé mes croyances, tout ce en quoi je croyais jusqu'alors. Même ma relation avec ma propre mère est sur le point de connaître un tournant. Je l'aime, et cela ne changera pas. Pourtant, j'aimerais mettre des mots sur la décision qui fut la sienne de s'opposer à Odin. J'espère avoir l'occasion et le courage de faire ce premier pas, comme elle me l'a enseigné dans mon enfance.
Par ailleurs, maintenant que le calme est enfin revenu, quelque chose s'est installé à ses côtés. Quelque chose que je n'avais encore jamais ressenti auparavant : l'ennui. Forte de mon expérience, de ce à quoi j'ai assisté, j'ai décidé de prendre les rênes de mon destin avec plus de fermeté. Que ce soit avec Freyja ou avec Bragi. Nous ne pouvons plus continuer sur cette pente hasardeuse. Il nous faut vaincre les a priori qui nous ont maintenu éloignés l'un de l'autre comme deux étrangers condamnés à une union dénuée de sentiments. Même si une curiosité palpable naît en mon sein concernant les humains de Midgard...

Une page se tourne.
Une autre commence.
Comme la pomme fleurit puis éclot toujours au fil des récoltes, le cycle se poursuivra indéfiniment.

Ta fiche est très agréable à lire, très fluide et bien écrite, avec toutes les disparités qui jonchent l'âme de notre Immortalité incarnée. Je te félicite particulièrement pour avoir intégré l'ensemble des évènements des intrigues, tu as fait des recherches et tu as voulu faire ça bien, c'est extrêmement appréciable ! N'oublie juste pas qu'Idunn est aussi la belle-soeur de Tyr, d'Hermod, de Balder et de Saga et non pas seulement de Thor et Loki (encore que pour ce dernier, il n'y a aucun lien de parenté direct ). Je n'avais pas envie de te refuser la validation pour ça, du coup je te l'ai rajouté dans la fiche et je te le précise ici au cas où ça t'aurait échappé

Te voilà validée ! Tu vas pouvoir parcourir les mondes d'Yggdrasil en compagnie des dieux et des vikings ! Pour bien commencer, tu dois commencer par aller réserver ton avatar ici, comme ça personne ne te le piquera. Ensuite, tu peux aller ouvrir tes fiches de liens et de topics ici. Si tu as envie de créer un scénario, rien de plus facile, rendez-vous ici. N'oublie pas de réserver l'avatar de ton scénario également ! Ensuite, file donc créer ton sujet pour recevoir des missives, si tu es un dieu ou une valkyrie, fais en de même pour les prières que les mortels pourront t'adresser ici (création des topics de missives et prières obligatoire ).Enfin, si tu veux flooder et t'amuser, c'est là ! Si tu as la moindre question, n'hésite pas à nous envoyer un petit message, les MPs on adore ça Surtout, amuse toi bien parmi nous